Tuesday, June 25, 2013

La Dualité Monde / Coeurpuscule



Nous arrivons au monde en nous déchirant d'un lien nous unissant à notre mère et c'est dans ce même monde que nous sommes appelés à créer de nouveaux liens tout en essayant de nous constituer en tant qu'individu unique et isolé, sorte de coeurpuscule si vous me permettez ce néologisme.

Ainsi, nous sommes constamment soumis à une double contrainte qui, d'une part, voudrait que nous nous "attachions" aux semblables qui nous entourent et que d'autre part, nous préservions notre enveloppe psychique en l'isolant et la rendant indépendante pour ne pas souffrir de nos relations aux autres. C'est autour de notre "coeur", notre centre de gravité individuel que s'articule notre individu et ce qui fonde, de manière singulière notre personnalité.

Nos relations aux autres nous inscrivent dans l'histoire humaine et nous démarquent de l'animal mais elles mettent également en péril notre coeurpuscule qui est en constante re-formation à la faveur des nouveaux liens que nous créons.

Alors qui sommes-nous dans ces néo-sociétés dites individualistes dans lesquelles nous sommes amenés à évoluer ?

La faillite de la famille et sa fonction de réassurance et d'étayage conduit certains à tisser des liens plus fragiles et à les multiplier pour ne pas risquer de se retrouver sans lien. Ce serait pour ceux-là ce lien "mirage" qui soutiendrait leur coeurpuscule et previendrait leur effondrement psychique. On reconnaît là la problématique du "borderline" qui, quelque part, cherche sans cesse une prothèse apte à colmater les défaillances de son coeurpuscule pour ne pas être soumis aux angoisses les plus archaïques.

Notre société qui a désacralisé les religions et la famille n'est-elle pas devenue une société "borderlinisante" (pardonnez-moi ce nouveau néologisme) où les coeurpuscules sont de plus en plus fragiles et vacillants ? Ne peut-on pas là y comprendre la raison pour laquelle les gens "vont voir quelqu'un" plutôt que de trouver des réponses en famille ou en confession ? C'est peut-être plus là la raison qui explique le rôle grandissant du psy dans la cohésion de notre société plutôt que de penser simplement que le psy a remplacé le curé par voie de simplicité ?

Au delà de cela c'est la condition humaine toute entière qui se redéfinit par l'augmentation de la fréquence des liens mais aussi de leur fragilité, sorte de métaphore relationnelle des réseaux neuronaux qui habitent nos cerveaux.

Né au sein d'une cellule familiale, le petit d'homme est amené au fil des années à s'en détacher pour, comme on aime à le dire, s"individualiser", se coeurpusculiser, dirais-je. Mais la fragilité de sa structure l'amènerait à continuellement créer de nouveaux liens pour souffrir de leurs immanquables ruptures en dépit de l'illusion que nous nous donnons de leur stabilité.

Parce que la vie c'est ça, c'est penser qu'à un temps T, quand tout va bien, que cela ne changera jamais... jusqu'au moment où le destin nous rattrape et nous refait vivre l'expérience de la douleur et du deuil en tant que perte de lien. Le cycle bonheur/malheur à l'échelle de l'histoire individuelle est au final un résumé de condition humaine où l'intensité du bonheur se confond avec la force du lien mais où la perte de ce même lien devient synonyme de malheur profond.

L'homme moderne est ce Spiderman (et vous noterez que les psychiatres peuvent utiliser des métaphores enfantines et simplistes) qui tisse du lien d'un individu à l'autre comme le héros qui se balance d'immeuble en immeuble grâce à la toile issue de ses poignets.

C'est ce jeu d'équilibriste que nous jouons sans cesse : se protéger en tant que coeurpuscule tout en créant du nécessaire lien qui lui-même ne peut que nous fragiliser. A chacun de choisir où il arrête le curseur entre ces deux extrêmes.


Thursday, June 20, 2013

Docteur Fred, et les Souvenirs ?


Je suis amené, depuis quelques semaines, à soigner ce patient âgé qui m'a initialement été adressé pour un état dépressif. La particularité de cet état dépressif est qu'il est réactionnel à une rupture sentimentale vieille de plus de quarante ans. C'est au court de la première consultation que j'ai constaté que ce monsieur avait, en fait, d'importants troubles de la mémoire. Il se souvenait parfaitement des faits anciens mais très peu des faits récents à tel point que le diagnostic de maladie d'Alzheimer était une évidence.

Le problème pour ce monsieur est donc qu'il est, tel Sisyphe, confronté à un éternel recommencement de son deuil. Ses souvenirs, presque oubliés un jour, ont ressurgi dans son présent, et il n'arrive pas à s'en défaire. Il pleure d'avoir perdu l'être aimé comme il a dû en pleurer dans sa jeunesse parce que pour lui, c'était hier. Il ne reconnaît plus ses enfants et reste centré sur cette déception.

Alors imaginez, si un jour, vos souvenirs les plus anciens surgissaient dans votre présent avec le même poids qu'un évènement contemporain ?

Imaginez souffrir à soixante-dix ans du premier jour d'école lorsque vous aviez trois ans et pleurer à l'idée que vos parents vous aient laissé seul dans cet établissement inconnu...

Imaginez craindre d'avoir des remontrances pour une bêtise vieille de soixante ans...

Imaginez ressentir à nouveau des sentiments pour celle avec qui vous avez dansé votre premier slow à douze ans...

Imaginez attendre le retour de vos parents ou bien leur regard plein de fierté à votre égard alors qu'ils sont décédés depuis vingt ans...

Imaginez avoir une envie folle de vous acheter des friandises comme à la sortie de l'école...

Imaginez chercher son meilleur ami d'enfance près de son école maternelle pour jouer aux billes à l'âge de soixante-dix ans...

Imaginez ne plus reconnaître vos enfants ou votre épouse avec qui vous avez vécu un demi-siècle...

Imaginez avoir peur du noir ou de dormir seul à soixante-dix ans...

Imaginez avoir perdu cette capacité que nous avons de trier les souvenirs, de dépasser ceux qui sont douloureux et accompagner les plus agréables. Imaginez qu'une force supérieure vous les impose et que vous ne puissiez plus les gérer parce que vous êtes dans cet éternel recommencement et dans l'incapacité d'avoir le Temps de laisser les souvenirs faire leur travail de deuil.

Nos souvenirs sont fragiles et c'est peut-être pour cela que nous érigeons des monuments pour symboliser les plus importants à l'échelle d'une société et ainsi éviter d'oublier. Mais pour l'individu, les souvenirs et l'histoire personnelle sont soumis à des lois que l'on ne maîtrise pas. Nous ne sommes pas à l'abri de les perdre ou de les voir réapparaître un jour à l'improviste...

Et pour ceux qui ont un proche souffrant d'une maladie d'Alzheimer, j'espère que ce petit texte leur permettra de porter un regard différent sur ce qui peut les choquer dans le comportement et les propos de leur être cher.


Wednesday, June 19, 2013

Docteur Fred, c'est qui Dieu ?


Aujourd'hui je transgresse puisque je vais trahir le secret médical et vous exposer ce que j'ai appris d'un de mes patients : Dieu.

La psychose maniaco-dépressive, cette maladie dont le nom fait peur et que l'on appelle de nos jours trouble bipolaire, est une affection qui entraîne une instabilité de l'humeur (au sens médical du terme) ou du moral (sens commun). Les patients alternent entre des phases de tristesse intense et pathologique (Dépression) et des phases d'euphorie également pathologique (Manie).

En plein état maniaque, les patients souffrant de cette affection se sentent tout puissant et capables de tout entreprendre. Ils pensent à deux cents à l'heure (tachypsychie), parlent sans interruption (logorrhée) et peuvent parfois se prendre pour le messie ou même Dieu. C'est un peu l'orientation diagnostic que j'avais prise la première fois que j'ai vu Dieu en consultation. J'ai pourtant dû rapidement revenir sur cela puisque Dieu ne se prend pas pour Dieu, il est Dieu.

Alors Dieu m'en raconte des bonnes quand il vient consulter. Il semble aimer se confier et me parler, ce qui me surprend un peu venant d'un être dit tout puissant au savoir absolu.

Tout d'abord, il y a un truc qu'il adore par dessus tout c'est qu'on le vénère, qu'on lui construise des monuments et des lieux de culte. Il "kiffe" (il lui arrive d'être vulgaire) les offrandes et surtout qu'on dépense beaucoup d'argent pour lui plutôt que pour aider des humains. Ca le rassure beaucoup parce qu'il n'a pas très confiance en lui. Certains pensent qu'il se complait dans une attitude narcissique (les anglo-saxons appellent aussi cela "God Complex" et là, on a tout de suite le sentiment de tourner en rond au niveau diagnostic). En fait, il est simplement comme ça et il n'y peut rien.

Il y a cette autre chose qu'il aime bien, c'est lire l'angoisse dans les yeux des humains. Je lui ai expliqué que c'était une attitude un peu perverse que de jouir de l'Angoisse de l'autre mais il a beaucoup de mal à l'intégrer. C'est avec une délectation non déguisée qu'il me raconte souvent à quel point il est content de se dire que tous les humains ont peur de lui et craignent ces quelques autres choses qu'il a inventées : la mort, la souffrance, la douleur, le deuil et les guerres. Ca le fait bien rire quand il en parle. Il insiste beaucoup sur le fait que ça le rassure de savoir qu'il a tant de pouvoir et qu'il inflige beaucoup de souffrances aux autres.

Dieu m'a aussi confié qu'il s'amuse beaucoup avec les guerres. Il trouve ça "cool", comme il dit. Mais le truc qu'il trouve encore plus génial, ce sont les guerres de religion. Parce qu'il s'est dit un jour que ce serait "cool"(il aime bien cet adjectif) de créer différentes obédiences, il a participé à et influencé la création de différentes religions qui le voient un peu différemment mais prônent toujours la tolérance. Il les a, pourtant, rendues extrêmement intolérantes dans un souci de souligner leur caractère absurde. Mais apparemment personne ne l'a encore compris ça. Il m'a confié qu'il trouvait ça "dingue".

Dieu, qui n'a pas beaucoup confiance en lui, semble aussi ne pas trop aimer les femmes parce que dans beaucoup de ses religions, il aime bien les mettre à part et les rendre responsable de tous les maux de l'humanité. C'est sa manière à lui de désigner des boucs émissaires. Il faut, cependant, lui reconnaître qu'il souffre de solitude n'ayant jamais pu avoir de femme à ses côtés. Il a donc du mal à les comprendre et en a peur.

Il aime bien aussi que tout le monde dise qu'il est amour et pour autant faire que ceux qui le représentent fassent peur à ceux qui ne croient pas en lui ou ne le vénèrent pas assez. Il aime bien dire qu'il peut pardonner mais pas trop non plus parce que ce serait trop facile.

Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à comprendre qu'il ne soit pas plus tolérant. Il est immortel, il a créé le monde et il est tout puissant. Il pourrait se contenter de se faire des cartes de visite où il écrirait tout ça. Ca pourrait le rassurer. Pourquoi a-t-il tant besoin que l'Homme s'obsède à penser à lui et à le redouter ? Y-a-t-il un principe cosmique qui fasse qu'il ait besoin de notre énergie psychique pour entretenir son pouvoir absolu ? Franchement si j'étais lui, je pense que je serais plus cool (je lui emprunte parfois son vocabulaire) mais je suis peut-être trop gentil pour comprendre.

Au final, Dieu est un patient très intéressant mais il a encore beaucoup de problèmes à régler avec lui-même et le monde. S'il y a une chose qu'il a réussie, semble-t-il, c'est de créer l'homme à son image mais je ne sais pas si c'est une bonne chose.

Enfin, je ne peux qu'espérer que les foudres du Conseil de l'Ordre ne s'abattent pas sur moi pour avoir trahi le secret médical d'un patient imaginaire et surtout que le courroux de ceux qui croient se transforme en tolérance à l'égard de mes écrits quelque peu iconoclastes.


Tuesday, June 18, 2013

Docteur Fred, c'est quoi le Temps ?


Une nouvelle fois, je me permets de me mêler de ce qui ne me regarde pas en écrivant quelques lignes sur un sujet dont je ne suis pas spécialiste : le Temps.

Alors, c'est quoi le Temps (avec une majuscule parce que j'aime bien les majuscules) ?

Le Temps c'est cette sorte de ruban auquel on est attaché devant et derrière nous et qui se déroule toujours vers l'avant. C'est aussi symboliquement une des rares lois qu'on ne peut transgresser parce que le Temps s'écoule inexorablement vers l'avant et personne ne peut rien y changer.

Le Temps c'est ce qui rend notre vie précieuse et fragile à la fois. C'est cette illusion que nous nous donnons de toujours en avoir jusqu'au moment où l'on réalise que l'on en a plus. Le Temps c'est paradoxalement ce qui nous fait ne pas nous en donner suffisamment.

Le Temps, c'est croiser un jour une petite vieille dans la rue s'appuyant sur une canne et ne jamais soupçonner que dans sa jeunesse elle ait pu être la plus belle des femmes et qu'elle ait passé des nuits blanches à danser, s'amuser et être convoitée par tous les hommes.

Le Temps c'est se dire qu'on ne prend jamais suffisamment conscience de son impact et qu'on ne vit pas sa vie aussi intensément qu'on le devrait.

Le Temps c'est le fantasme d'imaginer ce que l'on ferait si l'on pouvait le remonter et revivre sa vie en sachant ce que l'on sait... C'est un doux rêve auquel j'aime parfois à m'abandonner. Quels chemins différents aurais-je pris ? Ou plutôt quels choix différents auraient eu un impact me faisant prendre une autre voie ? Quel examen aurais-je réussi sans avoir besoin de réviser ? Quel proche aurais-je sauvé le sachant potentiellement atteint d'une maladie grave ? Quelle parole aurais-je évité de prononcer ? Quelle complicité aurais-je partagé avec des proches avec lesquels je n'ai justement pas eu assez de temps ? Serais-je allé rencontrer ma femme plus tôt dans nos vies ne pouvant attendre que le destin nous réunisse ?

Le Temps, nous en sommes tous les esclaves et nous portons tous à nos poignets ce bracelet de prisonnier qui nous le rappelle. Qu'il soit en or, en platine ou en diamants ne nous affranchit pas plus de son joug.

Le Temps c'est vivre chaque seconde comme une éternité quand on attend l'être aimé et vivre chaque heure comme un dixième de seconde lorsqu'il nous a rejoints. Le Temps c'est n'en avoir pas assez lorsqu'on est pressé et beaucoup trop lorsque l'ennui ou la souffrance nous frappe.

Le Temps c'est se promener dans un cimetière et imaginer les vies de ceux qui y reposent. Se dire qu'un jour ils se sont, eux aussi, promené dans un cimetière en se prêtant au même exercice.

Le Temps c'est se confronter à l'infini mais aussi au commencement. Le Temps c'est se dire que notre intelligence n'est pas suffisante pour l'appréhender.

Le Temps c'est se dire vivement dans un mois et parfois, le moment venu, réaliser qu'on donnerait tout pour revenir en arrière.

Le Temps c'est regarder les secondes s'écouler et se dire qu'elles nous rapprochent de la fin. Mais c'est aussi ce qui rend nos existences exaltantes parce que, justement, on ne peut pas revenir en arrière et on ne connaît pas le futur. Alors au final le Temps c'est faire des choix, apprendre de ses erreurs et ses regrets et toujours garder le cap vers l'avant en se disant que l'Aventure (avec une majuscule parce que j'aime bien les majuscules) continue. Et quand le temps des regrets sera là, ce sont tous les beaux moments qu'il faudra chérir et faire planer en filigrane sur nos pensées conscientes pour se dire qu'on a tout de même passé du bon Temps...


Monday, June 17, 2013

Docteur Fred, Pourquoi la Religion ?




Je soulevais dans mon précédent billet la question de la foi et quoi de plus logique, à présent, que de parler un peu de religion. Evidemment cher(e) lecteur/rice, je vous remercie d'être indulgent avec mes opinions qui, en aucun cas, n'ont pour objet de vous y faire adhérer.

N'est-il pas complètement paradoxal que nous vivions dans un monde qui se veut de plus en plus rationnel et que pour autant, il y ait partout dans le monde des lieux de culte où les fidèles se rendent pour se recueillir ou y adorer un Dieu dont on leur a promis l'existence ?

Il y a donc bien chez l'Homme cette nécessité de croire ou d'adhérer à quelque chose de transcendant pour apaiser ses angoisses existentielles. Le problème avec les religions c'est que chacune donne sa version des choses, prône la tolérance et des valeurs humaines idéales pour se rendre compte qu'au final, elles sont parfois à l'origine des pires crimes pour évangéliser ceux qui ne "croient" pas à leur représentation de Dieu. Les croisades, l'inquisition en sont des exemples frappants et nous en avons des versions contemporaines dont il n'est même pas nécessaire de parler pour qu'elles vous viennent à l'esprit.

Il y avait dans les sociétés animistes des équivalents proto-religieux que les shamans entretenaient. Seuls eux avaient la capacité à communiquer avec un monde transcendant et faisait le lien entre la réalité et le monde des esprits. La relecture de cette description ne peut amener le psychiatre qu'à conclure que les shamans souffraient de schizophrénie. Mais, au lieu d'être mis à l'écart de la société, ils occupaient une place plus que privilégiée au sein des groupes d'individus où ils évoluaient. Là où la maladie psychique fait peur de nos jours, elle était au contraire considérée comme un don.

Un peu plus tard dans l'histoire de l'humanité sont apparues les religions polythéistes et monothéistes.

Et moi franchement je dis "chapeau".

Parce qu'au final, les groupes humains se sont organisés en sociétés grâce à la constitution de lois et de religions. Peut-on imaginer que nous en soyons arrivés là où nous sommes en termes d'organisation de la société sans la religion ?

Moi si j'avais vécu il y a plusieurs milliers d'années et si j'avais été très préoccupé par le chaos dans lequel mes semblables évoluaient, j'aurais élaboré un plan pour les aider à s'en sortir à leur insu. Si j'avais été super intelligent et un peu fou, je me serais dit que j'allais leur faire croire à une histoire absolument incroyable (de nos jours dans le monde des hackers, on appelle ça du "social engineering).

Je leur aurais dit avoir rencontré Dieu ou un de ses représentants. Je leur aurais dit avoir reçu pour mission de diffuser la parole divine et surtout je leur aurais donné des règles à respecter en leur promettant qu'il n'ait plus de nécessité de craindre la mort si on les respecte.

Si j'avais été bon acteur et suffisamment charismatique, j'aurais pu m'entourer de disciples qui auraient contribué à diffuser mes pensées et au final, j'aurais contribué à construire une société un peu moins sauvage. La plupart des anxieux se seraient efforcés de suivre mes règles parce qu'ils auraient eu beaucoup plus peur de souffrir éternellement que d'être condamné par un tribunal humain.

Au final, j'aurais rempli ma mission parce que ma religion aurait, au départ, eu une fonction bénéfique pour l'humanité. Evidemment comme avec tout, j'aurais été copié au fil du temps et d'autres religions seraient apparues et seraient entrées en concurrence pour à terme, être à l'origine de crimes atroces.

Bref... Arrêtons là mon délire mystique ou plutôt parlons de délire mystique.

Parce qu'un autre point intéressant avec la religion et la psychiatrie c'est la question du délire mystique.

Nous, psychiatres, hospitalisons et traitons les patients qui présentent des "délires mystiques", ceux qui voient la vierge Marie leur parler par exemple et qui se sentent investis d'une mission divine. On appelle ça la schizophrénie.

Mais quand on y réfléchit un peu, il y a aussi beaucoup de Saints dont les récits sont quasi identiques et qui, pourtant, n'ont jamais été considérés comme malades et bien au contraire.

Il y a donc cette opposition qui peut exister entre la vision qu'a le psychiatre du monde et certains aspects de la religion. Ce n'est pas très grave au final mais ça fait réfléchir. J'aime à penser que si, un jour, je voyais un "vrai" Saint en consultation que je ne le soignerais pas. Mais comment faire la différence ?

L'autre point qui est un peu gênant avec les religions c'est que ce sont des humains qui incarnent le pouvoir religieux. Et de là, les pires dérives... A partit du moment où un humain se sent supérieur à ses semblables ou à même de les juger, il y a immanquablement des débordements et/ou de la perversion qui s'en suit.

Le problème c'est que l'être humain aspire à croire parce que sa condition humaine l'angoisse. C'est bien de croire mais comment choisir une religion spécifique ?

Je terminerai en citant cette étude stupéfiante menée par la psychiatre américaine Elisabeth Targ et qui date de 1996. Deux groupes de patients souffrants du SIDA avaient été randomisés dans deux groupes : un groupe qui allait bénéficier de prières à distance en visualisant une photo des patients et un groupe "sans prière". Le résultat incroyable de l'étude fut que le groupe de patients bénéficiant de "prières à distance" eut et de manière statistiquement significative beaucoup moins de complications de leur maladie...

Et si finalement la religion c'était tout simplement un lien qui peut s'établir dans nos pensées entre le monde physique et un monde immatériel et qu'en retour ce dernier puisse agir sur le réel ?

Friday, June 14, 2013

Docteur Fred, c'est quoi la mort ?


Il y a environ trois semaines, une patiente oligophrène me demandait "Docteur, vous savez ce qu'il y a quand on est mort ?". A cette question métaphysique, ma réponse ne pouvait être que décevante et je n'ai pu lui faire part que de mon ignorance. Sa question était néanmoins légitime parce qu'elle résume en quelques mots la condition humaine.

Nous savons tous que nous allons mourir mais nous nous efforçons de ne pas y penser pour rendre notre quotidien tolérable. Il n'y a que la mort ou les maladies graves de nos proches qui nous le rappellent parfois. Nous mettons alors toute notre énergie à très vite l'oublier pour ne pas sombrer dans les pires angoisses existentielles et ne pas perdre le peu de sens que nous avons réussi à mettre dans nos vies.

Parce qu'au final c'est un peu absurde de vivre, non ?

Il y a cette chanson des Smiths "Cemetry Gates" que j'aime beaucoup et qui résume très bien les choses. Ca se déroule dans un cimetière (oui vous vous en doutez ce billet n'est pas des plus gais)  :

"So we go inside and we gravely read the stones
All those people all those lives
Where are they now?
With the loves and hates
And passions just like mine
They were born
And then they lived and then they died
Seems so unfair
And I want to cry"

Donc la vie c'est ça : on naît, on vit et on meurt. Peu importe ce qu'il va arriver, c'est toujours comme ça. J'aime à penser qu'il faut donc être un peu hédoniste mais aussi un peu généreux pour donner un peu de sens à cette courte apparition que nous faisons tous sur le théâtre de la vie. J'aime à penser que ça aurait encore moins de sens de n'être que figurant de cette production bigbang-esque. J'aime à penser que ce n'est pas nécessairement le premier rôle qu'il faille obtenir mais peut-être tout simplement son propre rôle, celui qui nous convient à nous et pas nécessairement à notre voisin.

Parce qu'au final, il s'agît bien de cela : être acteur de sa vie et de sa destinée pour y jouer son rôle. Ne pas copier le rôle des autres ou de nos parents. S'efforcer de toute notre âme, et même si certains de nos choix sont inconscients, d'y mettre du nôtre parce qu'un jour ce sera l'heure de notre dernier souffle.

Et quoi de pire au moment de notre dernier souffle que de se dire avant que tout s'arrête "j'aurais dû faire ci ou je regrette d'avoir fait ça". Je ne suis pas certain qu'on meure sans regrets mais ne faut-il pas essayer de mourir pour le moins apaisé ? Que notre dernier souffle ait du sens et résonne avec notre vie. Que l'on puisse se dire "c'était une belle aventure au final, je ne regrette rien" avant de fermer les yeux à tout jamais.

Il y a aussi ce que disent les patients. Certains, après l'annonce d'un diagnostic de maladie incurable, arrivent étonnamment à y voir plus clair dans leur vie et à utiliser le temps qu'il leur reste pour y apporter plus de sens.

La seule chose que l'on puisse faire ici bas c'est donc d'essayer de donner du sens à notre vie. Pour le reste, il y a la foi. J'aimerais bien l'avoir mais j'ai beaucoup de mal. Pourtant cela doit être si agréable d'être convaincu de savoir ce qu'il y a après la vie. Ca ne m'enlèvera pourtant jamais le doute qu'il puisse ne rien y avoir du tout.

Il pourrait aussi y avoir quelque chose d'autre que ce que les religions nous promettent. Les récits d'expérience de mort imminente (near-death experience en anglais) sont souvent fascinants et si l'on ne pourra jamais apporter la preuve de leur caractère "réel", force est de constater qu'ils sont souvent très apaisants pour ceux qui les ont vécus. J'ai en mémoire cette patiente qui m'avait relaté sa propre expérience de mort imminente pendant laquelle elle avait pu échanger avec sa fille récemment décédée. Cet échange l'avait beaucoup aidé dans son travail de deuil et lui avait permis de redonner du sens dans sa vie.

Je me souviens aussi de la mort de mon père qui agonisant, à 84 ans, appelait sa mère au secours. "Maman, maman, maman..." Voir la détresse de son propre père face à la douleur et le voir régresser à un stade infantile, ça fait aussi réfléchir sur le sens de la vie et le mouvement de balancier entre la vieillesse et l'enfance. Ce serait beau de croire à la réincarnation et de se dire qu'après la mort, il y a la vie. Et de penser que notre univers ne fait que connaître des phases d'expansions et de rétractions avant  chaque nouveau Big Bang lui-même à l'origine d'un univers identique dans lequel l'on pourrait parfois changer une chose ou deux, histoire de croire à la liberté...

Mais pour l'heure, je crois qu'il faut vivre alors oubliez vite ce texte et mettez une petite dose d'hédonisme et de sens dans votre vie...


Thursday, June 13, 2013

Docteur Fred, elle est où mon âme ?


Une question qui m'a poussé à devenir psychiatre est d'essayer d'obtenir des éléments de compréhension (je dis bien des éléments parce que je n'ai jamais pensé trouver la réponse) sur le fonctionnement de notre cerveau mais aussi et surtout le lien qui peut exister entre ce dernier et notre conscience.

Dans une vision très manichéenne des sciences, je nourrissais, à l'adolescence, un intérêt pour l'astrophysique et ses modèles de compréhension de l'origine de l'univers ainsi que pour la psychanalyse et ses tentatives d'explication de notre Moi (avec un grand M parce que, vous l'aurez compris, j'aime bien les majuscules) et de notre rapport au monde. Ces deux questions très éloignées se rejoignent car elles touchent à l'aspect immatériel du monde physique.

Loin de ces questions très théoriques, le psychiatre que je suis, est confronté au quotidien à des questions très intéressantes.

De nombreux patients me demandent si la prise d'un traitement antidépresseur va modifier leur personnalité en agissant sur leur cerveau. J'ai tendance à penser que ce sont les maladies qui modifient la personnalité et pas leur traitement. En effet, un patient déprimé qui n'a plus goût à rien, s'isole, ne mange plus et n'est plus capable de travailler, subit un changement interne qui modifie sa personnalité. Quand un traitement antidépresseur (associé à une prise en charge psychothérapique bien sûr) vient lui redonner goût à la vie, il retrouve sa "personnalité".

On peut donc voir les choses de nombreuses manières. On peut se dire que les maladies influent sur la chimie du cerveau et nous modifient mais aussi que les médicaments ont des effets tout aussi importants sur nos hémisphères.

La question intéressante c'est de se demander si tout se passe dans le cerveau ou s'il n'est qu'un "organe effecteur".

Imaginons que je veuille contracter le muscle biceps brachial de mon bras droit. Si j'en donne la commande volontaire, mon bras va se fléchir. Si quelqu'un venait à me sectionner le nerf musculo-cutané qui innerve ce muscle, j'aurais beau vouloir le fléchir, ça ne fonctionnerait pas. L'information n'arriverait pas à destination.

Peut-on voir les choses de la même manière dans le cerveau ?

Quand je suis triste, est-ce parce que je n'ai plus assez de sérotonine dans les neurones de certaines parties de mon cerveau et que l'information ne circule plus ?

Ou bien : est-ce que mon ressenti des émotions n'est qu'un voile ? Une sorte de réalité physique qui peut être ou ne pas être reliée à une réalité transcendante et immatérielle ?

Peut-on imaginer que mon âme soit heureuse mais que pour que je ressente ce bonheur, il me faille suffisamment de sérotonine ?

Ce ressenti est facile à mettre en évidence au même titre que le caractère biochimique de certains états de conscience. Un sujet soumis à une angoisse massive se verra, en partie, soulagé par la consommation d'alcool ou la prise d'une benzodiazépine (ex: Valium, Temesta). En quelques dizaines de minutes, un deuil douloureux sera acceptable simplement parce que le cerveau est soumis à l'effet d'une substance exogène. Lorsque ladite substance sera éliminée de l'organisme, ce deuil sera à nouveau aussi douloureux qu'avant.

Peut-on imaginer qu'un patient atteint d'une maladie d'Alzheimer ou de séquelles d'accident vasculaire cérébral, ait conservé toute son "âme immatérielle" mais que simplement elle ne communique plus comme il le faudrait avec l'organe physique que constitue le cerveau ? Peut-on imaginer que l'âme de mon patient sache encore compter, se souvienne de tout mais qu'elle ne puisse envoyer ces informations au cerveau "effecteur" ?

Ou alors faut-il être purement mécaniciste et se dire que la conscience n'est que le produit de notre activité neuronale et que la réalité immatérielle de l'âme n'est qu'une construction animiste pseudo-religieuse ?

Est-que l'Amour est une rencontre de deux âmes ou bien une décharge de neurotransmetteurs chez deux primates évolués ?

Pour ma part, je prendrai le parti de penser qu'il y a bien quelque chose d'immatériel et que le fonctionnement du cerveau n'expliquera jamais tout.

J'aime à penser que même s'il m'arrive de prescrire des médicaments à mes patients que ce que je peux échanger avec eux en psychothérapie a un impact tout aussi important. J'aime à penser que je suis un petit ouvrier qui utilise différents outils pour aider mes patients à reconnecter leur âme à leur cerveau.

Wednesday, June 12, 2013

Docteur Fred, c'est bien Twitter ?


OUI.


Bon, ok, le lecteur est en droit d'attendre une réponse légèrement plus élaborée à cette question et je vais donc, une nouvelle fois, me mêler de ce qui ne me regarde pas à la manière du célèbre Professeur Rollin qui aurait encore quelque chose à dire.

Twitter tout d'abord c'est quoi ?

C'est un réseau social dit "ouvert", où tout le monde peut s'abonner à tout le monde et où tout ce que l'on "twitte" est public.

L'idée est simple : j'envoie des messages courts type SMS de 140 caractères maximum dans la marée des messages des autres Twittos (petit surnom sympa donné aux utilisateurs de Twitter). En gros, j'écris ce que je veux sans attendre de réponse et sans m'adresser à quelqu'un en particulier.

C'est très futile mais également très utile.

Qu'est-ce qu'on dit sur Twitter ?

Tout et n'importe quoi...

"Aujourd'hui, il fait beau"

"Vivement les vacances"

"Wow j'ai lu un super article sur un blog d'un psy et j'aimerais vous le faire partager : en voici le lien"

"Qu'est-ce que je m'éclate au soleil... Tenez un lien vers mes photos de vacances"

"Moi je suis pas d'accord avec M. Bidule qui fait de la politique"

"Attention tremblement de terre ici et maintenant"

Bref, vous l'aurez compris, il y a autant de possibilités d'utilisation que d'utilisateurs... Certains y trouvent même une fonction cathartique (je ne serais pas un vrai psy si je n'utilisais pas des mots compliqués pour faire croire que je suis intelligent ou au moins cultivé...) à savoir un moyen de purger leurs passions, de se défaire de quelque chose, un peu comme on le fait chez un psy d'ailleurs (tiens, tiens...).

"Mon patron est pas gentil" ou encore "mon père était méchant, il me frappait".

Alors au final sur Twitter, c'est un peu comme chez le psy, on se raconte, on dit ce qui nous passe par la tête selon un principe proche de la libre association à l'exception qu'on s'associe parfois aux associations des autres.

Pour ma part, je trouve ça fascinant et j'invite tous ceux qui n'ont pas encore twitté à se donner le temps d'essayer.


Le plus génial sur Twitter c'est que nos messages sont conservés, horodatés et peuvent même être géolocalisés.

Imaginez dans cinq siècles, les socio-archéologues numériques qui pourront remonter le temps sur Twitter et obtenir des témoignages directs d'évènements historiques simplement en filtrant les messages stockés sur les serveurs de Twitter par date et coordonnées GPS ? Imaginez si nous pouvions aujourd'hui lire les tweets de 1789 au moment de la révolution française ?

Twitter c'est le futur et le futur de Twitter c'est aussi la possibilité de pouvoir plonger nos regards dans le passé.

Imaginez pouvoir appréhender la personnalité de votre arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père au travers de ses tweets ? De se dire que @grandpapa78758111554 était un rigolo (parce qu'il va aussi y avoir un gros problème de disponibilité de pseudos avec le temps et donc les pseudos vont finir par s'allonger) ?

Ou peut-être même relire les premiers messages publics échangés entre @grandpapa78758111554 et @grandmere5515165161616 ?

C'est pas cool ça ?

Très certainement.

Tuesday, June 11, 2013

Docteur Fred, c'est quoi l'Amour ?


Je ne suis pas certain qu'un psychiatre soit la personne la mieux qualifiée pour définir l'amour et loin de moi l'idée de sombrer dans la dérive contemporaine qui consiste à penser que les psys ont réponse à tout. Néanmoins, qu'on le veuille ou non, on est confronté, en tant que psy, à l'Amour avec un grand A au quotidien, tout simplement parce que ce sentiment merveilleux est aussi à l'origine des pires souffrances et des pires angoisses.

Alors au final c'est quoi l'Amour ?

La meilleure définition que je puisse en donner est qu'il n'y en a pas parce que l'Amour ce n'est pas une liste de pour ou de contre, ce n'est pas rationnel, ce n'est pas simple, ce n'est pas logique, ce n'est pas voulu.

L'Amour c'est ce sentiment qui arrive à l'improviste sans qu'on s'y attende et qui change tout. L'Amour c'est ce qui nous rend plus léger que l'air et nous fait nous envoler. L'Amour c'est ne plus penser au lendemain et se sentir vibrer en phase avec l'univers. L'Amour c'est à 70 ans, dire je t'aime comme la première fois à 15 ans.

L'Amour c'est ce sentiment qu'on pense éternel alors qu'on le sait éphémère. L'Amour c'est ne plus penser à autre chose qu'à l'être aimé comme un obsessionnel ne pense plus qu'à ses "TOCs". L'Amour c'est être terrassé par le manque quand l'autre n'est pas là.

L'Amour c'est s'approcher du divin en traçant une ligne simple et droite dans notre vie et en lui donnant un sens. L'Amour c'est s'affranchir de ses angoisses existentielles. L'Amour c'est se reconnaître dans l'autre. L'Amour c'est d'abord penser à l'autre.

L'Amour c'est pouvoir, quand ça ne va pas, s'endormir sur les genoux de l'être aimé en se sentant apaisé et protégé.

L'Amour c'est tout quitter pour partir à l'autre bout du monde rejoindre l'être aimé et ne jamais le regretter.

L'Amour c'est pardonner la pire des trahisons parce que l'être aimé et l'Amour qu'on lui porte comptent plus que sa fierté.

Mais...

Parce qu'il y a bien un Mais avec un grand M.

L'Amour c'est aussi courir le risque de connaître les pires maux psychiques le jour où il n'est plus partagé. L'Amour c'est perdre tout sens qu'on ait pu donner à sa vie et se retrouver apathique et aboulique à l'improviste sans l'avoir cherché.

L'Amour c'est être terrassé par le départ de l'autre. L'Amour c'est penser, lorsqu'il s'échappe, qu'on ne pourra plus revivre cela et de ne pouvoir se raisonner ni s'arrêter de trembler comme une feuille morte.

L'Amour c'est donc prendre un Risque qu'on ne peut calculer. C'est courir ce Risque d'être heureux très longtemps ou de souffrir à jamais.

L'Amour c'est ce qui nous rend humain, capable du meilleur mais aussi du pire. L'Amour c'est un jour faire tout pour l'être aimé et un autre tourner la tête lorsqu'on le ou la croise dans la rue sans même lui adresser la parole.

Mais s'il n'y avait pas l'Amour, comment pourrait-on vivre ?


Monday, June 10, 2013

La Souffrance Psychique, Cet Outil Thérapeutique


On va voir quelqu'un (expression maintenant consacrée comme si reconnaître à haute voix que l'on va voir un psy serait quelque chose de honteux) en général parce que l'on souffre.

Des questions qui reviennent souvent dans la bouche des patients sont de savoir si le psy qu'ils ont en face d'eux peut les comprendre :

"Docteur, vous êtes marié ?"
"Docteur, vous avez des enfants ?"
"Docteur vous avez encore vos grands-parents ?"

Pourtant, on nous apprend, dans notre formation, à garder une certaine distance vis-à-vis de nos patients, à ne pas trop nous impliquer, à ne pas partager notre vie personnelle avec eux pour qu'il y ait une barrière nette entre nous, pour que l'on garde une distance et une certaine objectivité.

On nous apprend que nous ne sommes pas là pour nécessairement comprendre mais pour aider. Le paradoxe c'est que beaucoup de gens sortent de chez le psy sans y retourner parce que justement ils ne peuvent supporter cette distance et cette froideur qu'ils peuvent être amenés à ressentir, parce qu'ils ont le sentiment de justement ne pas avoir été compris.

Evidemment tout dépend de l'abord théorique qu'a le psy avec son patient. Un psychanalyste sera évidement beaucoup plus dans la distance qu'un thérapeute cognitivo-comportemental. C'est au final au patient de choisir et trouver son psy comme s'il fallait, lorsqu'on souffre, en plus faire des recherches pour comprendre ce que peuvent être les différents abords psychothérapiques.

Et si au final, ce n'était pas au psy de s'adapter au patient plutôt que l'inverse ? Ne sommes-nous pas là pour aider nos patients plutôt que de nous enfermer dans nos croyances et nos modèles théoriques qui peuvent ou ne peuvent pas s'adapter à l'un ou l'autre ?

Pour ma part, c'est le choix que j'essaie de faire : m'adapter à mon patient, trouver des moyens de l'aider, utiliser mon empathie, dire parfois des choses comme : "moi aussi j'ai perdu mes parents donc je sais VRAIMENT ce que vous traversez et je sais aussi qu'on peut s'en sortir. Je sais aussi qu'un jour la douleur diminuera".

Etre psy c'est avoir traversé dans sa vie des moments noirs, des moments de deuil et de souffrance et de se donner la mission de mettre tout en oeuvre pour en sortir ceux qui vivent, à leur tour, des moments similaires.

Etre psy c'est reconnaître que la souffrance psychique existe, qu'elle est parfois nécessaire, qu'elle est la pire des douleurs mais qu'à travers un regard, l'autre peut ressentir que celui qui est en face de lui n'est pas indifférent à ce qu'il vit, qu'il sait de quoi il s'agit et qu'il est là et ne bougera pas tant que ça n'ira pas mieux.

Au fond, être psy c'est faire de sa douleur une arme qui un jour aidera à guérir celle des autres...

Wednesday, June 5, 2013

Vis Ma Vie de Psychiatre en 2013







La psychiatrie a toujours été l’objet de préjugés. Spécialité médicale à part entière, elle s’intéresse à un champs historiquement moins objectivable et objectivé que celui des autres disciplines. Le psychiatre soigne les maladies dîtes non somatiques, sans substratum physiopathologique, c’est à dire qui n’ont pas d’origine dans le corps.

Pourtant, la psychiatrie se « biologise » et les dernières avancées dans le domaine de la recherche tendent à mettre en évidence des anomalies physiologiques à l’origine de certaines maladies mentales. La psychiatrie en est devenue de plus en plus scientifique et performante sur le plan thérapeutique sans que, pour autant, le regard que lui porte la population générale ait changé.

La psychiatrie a toujours fait peur et continuera à éveiller ce même sentiment encore longtemps. Quand on prononce le mot « psychiatrie », on pense encore et toujours à folie, camisole de force, asile psychiatrique, enfermement, électrochocs…

Etre psychiatre en 2013 revient à mener une lutte sans fin contre les préjugés de la population générale et des médias qui contribuent largement à désinformer et stigmatiser cette spécialité.

Etre psychiatre en 2013, c’est savoir rester humble et garder son calme quand on entend d’un patient ou d’un de ses proches qu’il sait mieux que vous ce qui est bon pour lui. Ces propos, personne ne les tiendrait face à un cardiologue ou un neurologue mais face au psychiatre, chacun pense avoir une meilleure compréhension de ce que peut être la maladie mentale.

Etre psychiatre en 2013, c’est accepter que ses patients rechutent de leur maladie parce qu’ils ont arrêté leur traitement sur les bons conseils d’un proche qui n’y connaît rien.

Etre psychiatre en 2013, c’est se sentir impuissant face à cette patiente qui a arrêté un de ses médicaments il y a quelques années après avoir vu une émission télévisée où le journaliste tenait des propos calomnieux à l’égard des psychiatres et véhiculait des mensonges à propos de certains médicaments psychotropes. Cette patiente, en rechute depuis cette date et malgré tout ce que j’ai pu mettre en œuvre, n’a jamais retrouvé son état de santé précédent l’arrêt du traitement.

J’avais contacté la chaîne télévisée en question après avoir vu l’émission pour demander un droit de réponse qui m’avait été refusé car, selon un responsable, il n’était pas envisageable de donner la parole à un professionnel de santé si c’était pour critiquer le travail d’un journaliste.

En revanche, critiquer le travail de toute une profession qui a fait dix ans d’études, ça ne pose visiblement pas de problèmes éthiques tant que ça fait marcher l’audimat. Mettre en danger la vie des patients non plus…


Etre psychiatre en 2013, c’est expliquer régulièrement aux patients que les médicaments qu’on leur prescrit ont pour but de les aider et pas de les rendre malade. C’est avoir la patience de rappeler que nous vivrions dans une société bien perverse si elle formait des médecins spécialistes en psychiatrie dans le but de rendre les gens malades en leur prescrivant des médicaments remboursés par la collectivité.

Chaque jour, je m’entends dire que ce sont les antidépresseurs qui ont rendu malade l’arrière grand-mère dont on a plus qu’un vague souvenir. Chaque jour, je me vois forcé de reprendre cette assertion en expliquant qu’il s’agit là de la partie émergée de l’iceberg. L’arrière grand-mère était probablement atteinte d’une maladie sévère et résistante et le traitement a peut-être permis d’atténuer ses symptômes sans pour autant réussir à la guérir. Néanmoins, son traitement lui a certainement permis de mieux vivre. Dire qu’elle était malade parce qu’elle prenait des antidépresseurs n’a pas plus de sens que de dire qu’un diabétique présente des glycémies élevées parce qu’il prend de l’insuline ou encore que l’hypertension artérielle serait due à la prise d’anti-hypertenseurs.

Pourtant, personne ne se hasarderait à tenir ces raisonnements dans le domaine du diabète ou de l’hypertension artérielle. C’est néanmoins malheureusement ce qui se passe en psychiatrie. Pourquoi ? Très certainement parce que l’on préfère toujours penser que la causalité du mal est externe à l’être cher. L’on préfère penser que l’arrière grand-mère n’était pas si malade que cela et qu’elle n’a de surcroît pas transmis de « mauvais gênes ». C’est beaucoup plus simple de penser que c’est le psychiatre qui l’a rendue malade. Et malheureusement c’est si erroné.

En 2013, on me demande encore régulièrement quels sont les risques d’internement à vie ou bien encore si les électrochocs sont encore couramment utilisés.

Il est toujours possible d’hospitaliser des patients présentant des troubles graves contre leur consentement si ces troubles rendent ce consentement impossible. Cette possibilité reste néanmoins circonscrite à des cas très précis et est très encadrée sur le plan légal. Il faut plusieurs certificats médicaux réguliers de médecins différents et le plus souvent l’accord de la famille (je dis bien accord car certains pensent encore qu’en signant un papier ils peuvent décider d’ « interner » n’importe quel membre de leur famille). Sans certificat médical, ce type d’hospitalisation n’est pas possible. De surcroît, les hospitalisations sous contrainte sont en général très courtes, quelques semaines tout au plus. L’époque où l’on entrait dans un hôpital psychiatrique et où l’on y restait jusqu’à la fin des ses jours est révolue depuis longtemps !

Quid des électrochocs ?

Il y a quelques années, j’assistais à un congrès de psychiatrie à Paris où à la sortie du centre de congrès, un groupe de jeunes gens faisaient signer une pétition contre la pratique des électrochocs. Ils distribuaient des feuilles mettant en scène ces soins avec une photographie d’un homme sur la chaise électrique ! Evidemment, les passants non psychiatres signaient tous tant ils étaient scandalisés par ce qu’ils croyaient être ce traitement. Je me suis alors permis d’interroger une des personnes qui voulait me faire signer cette pétition sur ce qu’elle savait des électrochocs. Elle n’en savait évidemment rien et pensait réellement que cette pratique, barbare à son apparition, se faisait encore à la manière de l’image qu’elle distribuait.

Je lu ai alors expliqué, comme je le fais régulièrement avec mes patients, ce qu’il en était. Les électrochocs sont un traitement très efficace et découvert il y a longtemps par hasard. En effet, historiquement, les psychiatres avaient constaté que les patients schizophrènes et épileptiques allaient mieux après une crise d’épilepsie. D’où l’idée de leur provoquer une crise d’épilepsie artificiellement par le biais de ces électrochocs de manière à améliorer les symptômes de leur schizophrénie.

De nos jours, ce traitement est réservé aux cas très résistants après qu’ils ont essayé plusieurs médicaments sans résultats. Les électrochocs (ou électroconvulsivothérapie ou encore sismothérapie) se pratiquent depuis plusieurs dizaines d’années sous anesthésie générale en présence d’un anesthésiste. La séance dure 2 à 3 minutes, est indolore et le patient se réveille simplement avec quelques courbatures. On est bien loin là de ce que la plupart des gens pensent encore. De plus, ce traitement est très souvent extrêmement efficace. Et pourtant…

Les préjugés ne sont pas plus logiques lorsqu’il s’agit des médicaments psychotropes. L’amalgame qui est fait par les médias et par conséquent dans la population générale entre anxiolytiques, somnifères et antidépresseurs en est un bien triste exemple.  Presque tous les patients sont opposés à la prise d’un traitement antidépresseur mais se déclare plutôt enclins à prendre un traitement anxiolytique ou hypnotique (un somnifère). Rappelons que les antidépresseurs constituent un traitement curatif d’un état dépressif sévère et n’entraînent ni dépendance, ni accoutumance, ni effet « planant » et pour la plupart des molécules aucun effet sédatif. Les anxiolytiques et somnifères sont à l’opposé : ils entrainent sédation, fatigue, troubles de la mémoire, dépendance et accoutumance.

Chaque jour, je dois expliquer aux patients qu’il est important d’arrêter au plus tôt leur traitement anxiolytique mais au contraire de poursuivre leur traitement antidépresseur pendant plusieurs mois après la guérison de leurs symptômes. Dans la pratique, ils font tout l’inverse même après plusieurs rechutes secondaires à la non-observance de mes consignes.

Aux patients qui me demandent si les antidépresseurs vont modifier leur personnalité, je leur réponds que c’est leur état dépressif qui a modifié cette dernière et que la prise du traitement ne permettra que de retrouver leur état antérieur. J’insiste sur la nécessité de bien traiter un premier épisode dépressif pour maximiser les chances de ne pas rechuter plus tard dans la vie. Et pourtant, plus de la moitié des patients arrêtent leur traitement précocement, ne consultent plus et finissent par reprendre rendez-vous quelques mois plus tard à l’occasion d’une rechute.

Etre psychiatre en 2013, c’est aussi savoir expliquer que les remèdes dits « naturels » sont pas nécessairement efficaces et qu’il y a plusieurs siècles, avant l’avènement de la médecine moderne, la plupart des gens ne se portaient pas mieux que de nos jours et leur espérance de vie était bien inférieure à ce qu’elle est à présent. Sans parler de leur mort qui se passait bien souvent dans d’atroces souffrances. J’entends pourtant tous les jours : « au moyen âge, les gens se portaient mieux  et il n’y avait pas de médecine». Je ne crois pas que cette assertion soit vérifiée ! Chaque jour, je rappelle aux malades voulant se soigner par homéopathie que le principe de cette médecine alternative n’est pas de soigner par les plantes (confusion avec la phytothérapie)  et qu’elle n’a jamais démontré son efficacité. Mais chaque jour, on me dit que l’on préfère se soigner par homéopathie (dont le principe est de soigner le mal par le mal) plutôt qu’avec des médicaments ayant démontré leur efficacité par de véritables études validées scientifiquement.

Etre psychiatre en 2013, c’est expliquer aux patients qu’un psychiatre ne prescrit pas systématiquement des médicaments et qu’il n’y a aucun intérêt à le faire quand il n’y a pas d’indication avérée. Mais c’est aussi leur expliquer que face à un épisode dépressif majeur caractérisé et sévère, le seul traitement efficace doit associer psychothérapie et traitement antidépresseur. Il n’y aucune étude sérieuse ou aucune conférence de consensus qui dicte une autre attitude. Ceux qui prétendraient le contraire sont des charlatans qui abusent de la crédulité des gens pour leur vendre des traitements inefficaces.

Etre psychiatre en 2013, c’est être régulièrement perplexe quand, après avoir interrogé un patient sur ses antécédents médicaux, ce dernier vous répond « en quoi cela vous regarde-t-il ? ». C’est aussi savoir ne pas soupirer quand ce dernier patient finit par vous répondre et vous expliquer grossièrement la physiopathologie de chacune de ses maladies et à quoi servent chacun de ses médicaments.

Etre psychiatre en 2013, c’est régulièrement expliquer la différence entre les professions de psychologue et de psychiatre, rappeler que les psychiatres ne soignent pas que les « fous » et que, lorsqu’il s’agît de psychothérapie pure, les deux corps de métier ont les mêmes compétences et le même champ d’action.

Etre psychiatre en 2013, c’est aussi ne pas comprendre pourquoi certains patients vous appellent pour savoir si leur traitement psychotrope est compatible avec le traitement antibiotique prescrit par leur médecin généraliste parce que, tout simplement, ils ne souhaitent pas lui dire qu’ils prennent un traitement prescrit par un psychiatre.

Je terminerai en rappelant que je suis psychiatre depuis 15 ans et que je n’ai jamais vu de camisole de force dans toute ma carrière.

Chers lecteurs, si vous souffrez ou si quelqu’un de votre entourage souffre d’une maladie mentale, faîtes confiance à votre psychiatre. Il a fait 10 ans d’études (autant qu’un cardiologue) et a comme seule visée de soigner ses patients comme n’importe quel autre médecin.


 PS: Sigmund Freud n'était pas psychiatre mais neurologue.

Les Conditions de Travail à l'Origine de Troubles Psychiatriques




Exercer le métier de psychiatre, c’est être au contact de la souffrance de l’autre au quotidien et tenter de l’aider de son mieux. C’est une tâche qui demande de savoir s’adapter et d’appréhender les difficultés de ses patients.

Au-delà des pathologies psychiatriques que l’on m’a apprises à soigner durant mes études (schizophrénie, trouble bipolaire, dépression, troubles névrotiques…), je suis de plus en plus confronté dans ma pratique aux souffrances engendrées par le travail.

Si l’étymologie de ce mot, vient bien du latin tripalius qui désignait un instrument de torture, le 20ème siècle a certainement contribué à rendre le travail humain et dans certains cas épanouissant.

Hélàs, force est de constater que dans un bien grand nombre de cas, nous assistons à un retour en arrière dans l’hexagone.

Au-délà d’une analyse socio-économico-philosophique faite par des énarques qui ne côtoient pas la population, je me propose de me faire le porte-parole de ce que pensent et s’autorisent à dire mes patients. Je ne prétends pas que mon expérience soit représentative du cas général puisque, de fait, ceux qui viennent me voir sont en souffrance mais il me semble nécessaire de transmettre ceux que beaucoup disent car leurs histoires sont très souvent similaires :

1)   Cadences infernales

Beaucoup de patients ont le sentiment d’être débordé. On leur demand d’en faire toujours plus en privilégiant la quantité à la qualité. Là où il y a 30 ans, trois personnes avaient pour mission de remplir une tâche en travaillant 40 heures par semaines, on demande parfois à une seule personne de faire la même chose en 35 heures.

Comment peut-on imaginer que cela soit possible sur la durée sans en arriver à une situation de burn-out ? L’informatique est censée avoir simplifié beaucoup de choses mais l’on oublie souvent de se rappeler qu’elle a aussi créé de nouvelles tâches : répondre aux emails incessants des clients ou encore faire du reporting à outrance. Il n’est pas certain du coup qu’il faille  nécessairement moins de temps pour accomplir les mêmes tâches qu’il y a 30 ans.

2)   Reporting à outrance

L’avènement de la société de l’information semble avoir contribué à un mal complètement obsessionnel qu’est le reporting. J’entends ce mot de plus en plus souvent et il est toujours associé à des sentiments douloureux. Non content de demander aux employés d’en faire toujours plus, on leur demande également de justifier ce qu’ils font de plus en plus précisément tant et si bien qu’un jour le reporting remplira 100% du temps de travail pour finalement « reporter » que l’on a plus le temps de rien faire à l’exception de ce reporting. La boucle sera donc bouclée !

Cette tendance obsessionnelle à tout faire rentrer dans des cases et à nier la façon que chacun a de travailler à sa manière est finalement une négation de la condition humaine en essayant de créer un monde de robots qui remplissent des tableaux Excel du matin au soir en oubliant même quel est l’objet initial de leur travail.

Comment peut-on imaginer qu’un être humain trouve son travail épanouissant lorsqu’il a le sentiment d’être flické à chaque instant ? Comment peut-on demander à quelqu’un qui est déjà en surcharge de travail de reporter sur sa surcharge et de gaspiller dans une boucle obsessionnelle  son précieux temps ?

C’est à mon sens la folie de notre monde actuel et ce n’est finalement peut-être pas un hasard si cette folie du système conduit de plus en plus de gens chez le psy…

3)   Absence de reconnaissance

Quand j’entends mes patients, j’ai la forte impression qu’on ne sait pas, dans le monde du travail en France, reconnaître la qualité du travail de ses collaborateurs. On sait très bien leur pointer du doigt leurs faiblesses comme on met le nez d’un chien sur une crotte mais jamais ne les félicitera-t-on pour leurs accomplissements. Au final, beaucoup de gens vivent donc dans la crainte de la critique sans même imaginer que l’on puisse un jour leur faire des compliments.

Cet esclavage moderne conduit au stress chronique et participe très certainement des états dépressifs créés par le travail.

4)   Harcèlement

Evidemment, il est difficile de parler pathologie du travail sans aborder le point du harcèlement moral.

Que se passe-t-il quand une entreprise souhaite se séparer d’un salarié ? L’impression très subjective que j’en ai est que plutôt que d’expliquer à un salarié la nécessité de son départ et d’essayer de l’organiser dans de bonnes conditions, on fait tout l’inverse. Licencier étant coûteux, on préfère très souvent pousser les gens à partir. Pour cela, c’est très simple, on les met au placard, on leur joue les plus mauvais tours tant et si bien qu’un jour, le salarié craque : il démissionne en claquant la porte, il se suicide ou il déprime.

Que dire d’une entreprise qui rend les gens malades ? Que dire du coup pour la sécurité sociale des arrêts maladies engendrés par les dépressions liées au travail ? Ne serait-il pas juste  qu’en cas de victoire du salarié aux Prud’Hommes, on demande à l’entreprise de rembourser le coût des soins engagés par l’assurance maladie ?

Les Prud’Hommes ne font pas peur aux entreprises car peu de gens ont le courage d’y aller et la procédure est dissuasive : compter 3 ans pour un premier jugement puis très souvent 2 ans supplémentaires pour l’appel quasi-systématique. Pour l’entreprise, c’est tout bénéfice sur la minorité de ceux qui iront au Prud’Hommes, et même s’ils gagnent tous, ça reste bien plus rentable pour l’entreprise qu’un licenciement en bonne et due forme systématique.

5)   Procédurisation à outrance

Pour Alain Ehrenberg, une partie de la souffrance liée au travail serait liée à l’inadéquation entre la fonction occupée par certaines personnes et leurs capacités intellectuelles. Il fait un lien entre la tendance de notre système éducatif à vouloir absolument que tout le monde décroche le bac et à dénigrer les professions manuelles. J’aurais, quant à moi, tendance à penser que bon nombre de patients souffrent de leur travail du fait d’une procédurisation à outrance et une négation de l’initiative individuelle. En effet, de nos jours, de nombreux travailleurs se voient pieds et mains liés par une hiérarchie leur refusant la moindre autonomie et tendant à les réduire à effectuer des tâches robotisées. Comment peut-on imaginer que cela puisse être épanouissant ?

Au total, je regrette qu’on oublie trop souvent une chose essentielle : pour bien travailler, il faut du temps et de bonnes conditions de travail. On ne fait rien de bien dans la précipitation, l’angoisse et le stress.