Monday, June 17, 2013

Docteur Fred, Pourquoi la Religion ?




Je soulevais dans mon précédent billet la question de la foi et quoi de plus logique, à présent, que de parler un peu de religion. Evidemment cher(e) lecteur/rice, je vous remercie d'être indulgent avec mes opinions qui, en aucun cas, n'ont pour objet de vous y faire adhérer.

N'est-il pas complètement paradoxal que nous vivions dans un monde qui se veut de plus en plus rationnel et que pour autant, il y ait partout dans le monde des lieux de culte où les fidèles se rendent pour se recueillir ou y adorer un Dieu dont on leur a promis l'existence ?

Il y a donc bien chez l'Homme cette nécessité de croire ou d'adhérer à quelque chose de transcendant pour apaiser ses angoisses existentielles. Le problème avec les religions c'est que chacune donne sa version des choses, prône la tolérance et des valeurs humaines idéales pour se rendre compte qu'au final, elles sont parfois à l'origine des pires crimes pour évangéliser ceux qui ne "croient" pas à leur représentation de Dieu. Les croisades, l'inquisition en sont des exemples frappants et nous en avons des versions contemporaines dont il n'est même pas nécessaire de parler pour qu'elles vous viennent à l'esprit.

Il y avait dans les sociétés animistes des équivalents proto-religieux que les shamans entretenaient. Seuls eux avaient la capacité à communiquer avec un monde transcendant et faisait le lien entre la réalité et le monde des esprits. La relecture de cette description ne peut amener le psychiatre qu'à conclure que les shamans souffraient de schizophrénie. Mais, au lieu d'être mis à l'écart de la société, ils occupaient une place plus que privilégiée au sein des groupes d'individus où ils évoluaient. Là où la maladie psychique fait peur de nos jours, elle était au contraire considérée comme un don.

Un peu plus tard dans l'histoire de l'humanité sont apparues les religions polythéistes et monothéistes.

Et moi franchement je dis "chapeau".

Parce qu'au final, les groupes humains se sont organisés en sociétés grâce à la constitution de lois et de religions. Peut-on imaginer que nous en soyons arrivés là où nous sommes en termes d'organisation de la société sans la religion ?

Moi si j'avais vécu il y a plusieurs milliers d'années et si j'avais été très préoccupé par le chaos dans lequel mes semblables évoluaient, j'aurais élaboré un plan pour les aider à s'en sortir à leur insu. Si j'avais été super intelligent et un peu fou, je me serais dit que j'allais leur faire croire à une histoire absolument incroyable (de nos jours dans le monde des hackers, on appelle ça du "social engineering).

Je leur aurais dit avoir rencontré Dieu ou un de ses représentants. Je leur aurais dit avoir reçu pour mission de diffuser la parole divine et surtout je leur aurais donné des règles à respecter en leur promettant qu'il n'ait plus de nécessité de craindre la mort si on les respecte.

Si j'avais été bon acteur et suffisamment charismatique, j'aurais pu m'entourer de disciples qui auraient contribué à diffuser mes pensées et au final, j'aurais contribué à construire une société un peu moins sauvage. La plupart des anxieux se seraient efforcés de suivre mes règles parce qu'ils auraient eu beaucoup plus peur de souffrir éternellement que d'être condamné par un tribunal humain.

Au final, j'aurais rempli ma mission parce que ma religion aurait, au départ, eu une fonction bénéfique pour l'humanité. Evidemment comme avec tout, j'aurais été copié au fil du temps et d'autres religions seraient apparues et seraient entrées en concurrence pour à terme, être à l'origine de crimes atroces.

Bref... Arrêtons là mon délire mystique ou plutôt parlons de délire mystique.

Parce qu'un autre point intéressant avec la religion et la psychiatrie c'est la question du délire mystique.

Nous, psychiatres, hospitalisons et traitons les patients qui présentent des "délires mystiques", ceux qui voient la vierge Marie leur parler par exemple et qui se sentent investis d'une mission divine. On appelle ça la schizophrénie.

Mais quand on y réfléchit un peu, il y a aussi beaucoup de Saints dont les récits sont quasi identiques et qui, pourtant, n'ont jamais été considérés comme malades et bien au contraire.

Il y a donc cette opposition qui peut exister entre la vision qu'a le psychiatre du monde et certains aspects de la religion. Ce n'est pas très grave au final mais ça fait réfléchir. J'aime à penser que si, un jour, je voyais un "vrai" Saint en consultation que je ne le soignerais pas. Mais comment faire la différence ?

L'autre point qui est un peu gênant avec les religions c'est que ce sont des humains qui incarnent le pouvoir religieux. Et de là, les pires dérives... A partit du moment où un humain se sent supérieur à ses semblables ou à même de les juger, il y a immanquablement des débordements et/ou de la perversion qui s'en suit.

Le problème c'est que l'être humain aspire à croire parce que sa condition humaine l'angoisse. C'est bien de croire mais comment choisir une religion spécifique ?

Je terminerai en citant cette étude stupéfiante menée par la psychiatre américaine Elisabeth Targ et qui date de 1996. Deux groupes de patients souffrants du SIDA avaient été randomisés dans deux groupes : un groupe qui allait bénéficier de prières à distance en visualisant une photo des patients et un groupe "sans prière". Le résultat incroyable de l'étude fut que le groupe de patients bénéficiant de "prières à distance" eut et de manière statistiquement significative beaucoup moins de complications de leur maladie...

Et si finalement la religion c'était tout simplement un lien qui peut s'établir dans nos pensées entre le monde physique et un monde immatériel et qu'en retour ce dernier puisse agir sur le réel ?

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