Je suis un psychiatre français exerçant en ville depuis environ 10 ans. Je ne suis pas psychanalyste mais je n'en pense pas de mal pour autant. On me disait quand j'étais interne que j'étais trop gentil... J'ai eu beau essayer d'être méchant, je n'y suis pas arrivé... A défaut, il peut m'arriver d'avoir de l'humour. Ce blog reflète mes opinions personnelles et ma pratique.
Monday, June 10, 2013
La Souffrance Psychique, Cet Outil Thérapeutique
On va voir quelqu'un (expression maintenant consacrée comme si reconnaître à haute voix que l'on va voir un psy serait quelque chose de honteux) en général parce que l'on souffre.
Des questions qui reviennent souvent dans la bouche des patients sont de savoir si le psy qu'ils ont en face d'eux peut les comprendre :
"Docteur, vous êtes marié ?"
"Docteur, vous avez des enfants ?"
"Docteur vous avez encore vos grands-parents ?"
Pourtant, on nous apprend, dans notre formation, à garder une certaine distance vis-à-vis de nos patients, à ne pas trop nous impliquer, à ne pas partager notre vie personnelle avec eux pour qu'il y ait une barrière nette entre nous, pour que l'on garde une distance et une certaine objectivité.
On nous apprend que nous ne sommes pas là pour nécessairement comprendre mais pour aider. Le paradoxe c'est que beaucoup de gens sortent de chez le psy sans y retourner parce que justement ils ne peuvent supporter cette distance et cette froideur qu'ils peuvent être amenés à ressentir, parce qu'ils ont le sentiment de justement ne pas avoir été compris.
Evidemment tout dépend de l'abord théorique qu'a le psy avec son patient. Un psychanalyste sera évidement beaucoup plus dans la distance qu'un thérapeute cognitivo-comportemental. C'est au final au patient de choisir et trouver son psy comme s'il fallait, lorsqu'on souffre, en plus faire des recherches pour comprendre ce que peuvent être les différents abords psychothérapiques.
Et si au final, ce n'était pas au psy de s'adapter au patient plutôt que l'inverse ? Ne sommes-nous pas là pour aider nos patients plutôt que de nous enfermer dans nos croyances et nos modèles théoriques qui peuvent ou ne peuvent pas s'adapter à l'un ou l'autre ?
Pour ma part, c'est le choix que j'essaie de faire : m'adapter à mon patient, trouver des moyens de l'aider, utiliser mon empathie, dire parfois des choses comme : "moi aussi j'ai perdu mes parents donc je sais VRAIMENT ce que vous traversez et je sais aussi qu'on peut s'en sortir. Je sais aussi qu'un jour la douleur diminuera".
Etre psy c'est avoir traversé dans sa vie des moments noirs, des moments de deuil et de souffrance et de se donner la mission de mettre tout en oeuvre pour en sortir ceux qui vivent, à leur tour, des moments similaires.
Etre psy c'est reconnaître que la souffrance psychique existe, qu'elle est parfois nécessaire, qu'elle est la pire des douleurs mais qu'à travers un regard, l'autre peut ressentir que celui qui est en face de lui n'est pas indifférent à ce qu'il vit, qu'il sait de quoi il s'agit et qu'il est là et ne bougera pas tant que ça n'ira pas mieux.
Au fond, être psy c'est faire de sa douleur une arme qui un jour aidera à guérir celle des autres...
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merci
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